Le Danemark en France
On peut apprendre beaucoup de la musique française et de la vie musicale en France et nous pouvons aussi, nous les Nordiques, apporter quelque chose aux Francais. Le compositeur Danois, Hans Peter Stubbe Teglebjærg a fait des études à Paris et y a enseigné. Le magazine DMT a interviewé l'artiste à son retour au Danemark.
Interview par Erik Christensen
Traduction par Nicole Guillois
Hans Peter Stubbe Teglbjærg, vous êtes allé en France faire des études. Qu'avez-vous le plus apprécié en France?
Je m'intéressais à la musique électronique, dont j'attendais énormément. Après le Conservatoire à Copenhague, puis deux ans d'études de sonologie en Hollande, je suis allé à Paris, à l'IRCAM, et j'y suis resté trois ans, d'abord comme étudiant puis comme enseignant et chercheur. Ça a été extrêmement libérateur, une expérience unique qui a eu beaucoup de répercussions pour moi.
Une autre chose qui a compté, c'était la possibilité d'aller aux concerts. Je savais que je devais en profiter pendant mon séjour à Paris, et j'ai entendu ainsi beaucoup, beaucoup d'œuvres que je n'aurais jamais pu entendre ailleurs. J'ai une passion pour l'opéra, j'ai écouté toutes les nouvelles œuvres, et aussi les œuvres difficiles à représenter comme Moïse et Aaron de Schönberg et Pelléas et Mélisande de Debussy, qu'on n'entend jamais au Danemark. Et aussi une autre chose qui m'intéresse, la musique ethnique - des concerts de différentes régions d'Inde, de la musique pygmée d'Afrique, des chœurs d'hommes d'Iran, des choses fantastiques. Tout est encore là dans mon esprit, quand je l'évoque.
Je pense qu'en général, les Danois sont attirés par la France parce qu'il y a quelque chose dans le son et le côté sensuel qui fait qu'on se sent bien, on y retrouve quelque chose à quoi on aspire nous-mêmes. Les musiciens français ont une conscience du timbre, de l'harmonie et du développement formel, ils ont une connaissance de l'orchestre très profonde: qu'est-ce qu'on peut attendre du son d'un orchestre, qu'est-ce qu'on peut obtenir? Je crois que ça attire beaucoup de Danois, on est influencés par le timbre et le côté sensuel.
Y a-t-il de nouvelles créations musicales qui vous ont marqué particulièrement?
Oui, Répons de Boulez m'a beaucoup impressionné. Je l'ai entendu en version intégrale à la Cité de la Musique, dans une salle de concert idéale pour ce type de musique, où le public est vraiment installé comme Boulez le recommande. Ça a été une expérience extraordinaire. J'ai également écouté plusieurs œuvres à l'IRCAM, de Tristan Murail et Gérard Grisey notamment. J'ai suivi le processus de création de L'Esprit des dunes de Murail, il nous a fait un cours sur la technique puis l'œuvre a été jouée, ça donne des résultats remarquables. Il est d'une grande intégrité par rapport à l'informatique musicale et à ses idéaux compositionnels. De Grisey, j'ai entendu le grand cycle Espaces acoustiques et Vortex Temporum. Comme compositeur, il a sa place parmi les plus grands, je dirais, bien que son statut en France ait été un peu bizarre, il a été décrié, on ne l'a pas beaucoup joué. Il est allé jusqu'au bout de la théorie, c'était un modèle pour la composition spectrale. Il s'est aussi intéressé aux phénomènes de bruits instrumentaux, ce qui est assez inhabituel en France. Ses dernières œuvres développent un aspect rythmico-temporel extraordinaire. Grisey a une ampleur esthétique qui provoque et stimule, il n'exclut rien avant d'avoir examiné sérieusement.
Que propose l'IRCAM de particulier ou d'unique?
L'IRCAM met l'accent sur les possibilités d'utilisation de la technologie au moment de l'exécution en concert, la transformation informatique des instruments qui jouent. L'association instruments acoustiques - technologie électronique est devenue leur marque de fabrique.
Certains des domaines prépondérants de l'IRCAM sont la synthèse du timbre, la spatialisation et la composition assistée par ordinateur. Que peut-on apprendre sur la synthèse du timbre à l'IRCAM?
Lorsque je suis arrivé à l'IRCAM, j'étais obsédé par la synthèse du timbre. Je savais qu'ils avaient des logiciels qu'on ne trouvait nulle part ailleurs, entre autres un logiciel appelé Chant conçu pour simuler les sons vocaux, que je voulais apprendre. Il y a une somme de recherche dans un logiciel comme ça, une connaissance de la production du son par les cordes vocales, simplifiée et mise en algorithmes mathématiques et rendue accessible par le logiciel. C'était un grand projet pour l'IRCAM au milieu des années 80.
Cela montre aussi la voie vers un autre domaine difficile, celui de la simulation des instruments acoustiques. L'IRCAM a un autre logiciel appelé Modalys qui est encore plus spécifiquement conçu pour pouvoir simuler presque n'importe quelle structure acoustique donnée, une corde qui vibre, une colonne d'air dans un tube, sur des plaques et des membranes. L'IRCAM a aussi une technique qu'on appelle la synthèse-analyse, où on analyse d'abord des sons, on en extrait les données et on les remanie, et enfin on les resynthétise, pour pouvoir contrôler par l'oreille si l'analyse a été correcte. C'est un domaine très vaste, et c'est une technique qui a fourni des éléments à l'école spectrale. La musique spectrale est une forme d'analyses instrumentées. Un exemple classique: on joue une note caractéristique sur une corde de piano, on l'enregistre, on passe la bande et on fait une analyse pour trouver les données caractéristiques qui décrivent le son de la corde.
On isole chaque composant du son?
Oui, et on obtient normalement beaucoup d'informations que l'on peut retraduire en notes dans une œuvre. Souvent la masse d'informations est telle qu'on est obligé d'élaguer et de faire un tri. Tristan Murail a une capacité intuitive particulière pour choisir des données précises et les transformer en musique.
Peut-on dire qu'on regarde une note au microscope et qu'on l'agrandit exagérément?
On peut le dire. C'est une manière de trouver des données à partir de choses qu'on connaît, de choses très petites. L'ordinateur est idéal pour transformer le microscopique en macroscopique, et il peut aussi aider à révéler les relations internes entre les composants. Ce n'est pas du hasard, les choses ont une relation très précise et bien définie qu'on peut révéler et rendre applicable.
Si on pense à la spatialisation, à savoir la répartition du son dans l'espace, qu'offre l'IRCAM dans ce domaine?
Toute la structure de l'IRCAM a été conçue autour de l'espace comme élément compositionnel et artistique essentiel, à la fois pour les compositeurs et dans l'exécution en concert. Cette vision remonte à Edgar Varèse, qui a encouragé l'utilisation de l'espace dans la musique moderne. C'était une de ses plus grandes ambitions artistiques, aussi bien du point de vue instrumental, dans plusieurs types d'ensembles, que du point de vue électronique dans Poème électronique, qui déploie l'espace de manière impressionnante. Ces visions ont influencé Boulez, Stockhausen et bien d'autres qui les ont adoptées. Et Boulez, depuis le début de la conception de l'IRCAM, avait prévu une salle de concert aménagée pour la projection spatiale du son. C'est un grand carré, en fait une caisse pas très belle, où on peut contrôler l'acoustique et placer un grand nombre de haut-parleurs. Ça s'appelait au début Espace de projection. Son idée était de faire prendre conscience des possibilités de l'espace au niveau compositionnel et au niveau de l'exécution des œuvres, et de l'élever à un niveau tel qu'il en devienne aussi significatif pour l'expression artistique que les structures harmoniques et rythmiques.
L'IRCAM a développé de nombreux outils de déplacement du son dans l'espace, de simulation d'une acoustique et de n'importe quelle impression spatiale, des outils très complexes qui suscitent beaucoup d'intérêt, c'est pourquoi de nombreux compositeurs connus viennent à l'IRCAM réaliser des projets. Ce sont des outils très lourds et difficiles à utiliser. L'IRCAM a essayé de les rendre publics afin de faciliter leur utilisation ailleurs, mais ils n'y ont pas encore réussi. Quand on est à l'IRCAM, il y a beaucoup d'assistants et de chercheurs pour conseiller les compositeurs, et une masse d'expérience et de savoir-faire, donc l'utilisation de ces outils à l'IRCAM ne pose aucun problème. Je me suis rendu compte de leurs possibilités, il ne s'agit pas seulement de déplacer le son mais aussi d'orchestrer le matériau, on peut choisir si on veut séparer les éléments ou les réunir.
Avez-vous eu l'impression que l'IRCAM avait des limites?
Oui, ils sont conscients d'être des figures de proue, ils jouent un rôle si important et ils sont si autonomes que ça les a rendus un peu arrogants et un peu fermés. Ça vient des conditions dans lesquelles l'IRCAM a été créé. Depuis le début, Boulez a voulu un institut fermé qui devait servir de laboratoire de recherche pour la musique contemporaine. Il voulait le garder fermé au public afin de ne pas déranger les chercheurs. Il y a eu néanmoins des concerts publics où on présentait les résultats, mais le travail en lui-même s'est effectué en milieu fermé. L'IRCAM a dû reconsidérer sa position sur ce point dans les années 90. Quand Boulez s'est retiré, le travail du nouveau directeur a été d'ouvrir l'IRCAM à toutes sortes de gens, et de "rembourser" un peu le ministère de la Culture en ouvrant les portes. Ce milieu fermé a bien sûr exercé une influence sur une partie des compositeurs qui s'y trouvaient, on avait des préférences esthétiques très nettes. A l'IRCAM, ils ont adopté le spectral, ils ont beaucoup aidé l'école spectrale. Ils ont aussi cultivé la complexité. Mais des tendances comme la nouvelle simplicité, la musique humoristique ou la musique politique, ce n'est même pas la peine d'y songer, ça ne passe pas. Ça se reflète dans le choix des compositeurs qui y font des stages, ce sont des compositeurs qui signalent d'une façon ou d'une autre qu'ils font partie de l'avant-garde. J'avais du mal à me faire à ce milieu clos lorsque j'y étais.
Y a-t-il aussi des restrictions dans l'univers sonore que l'on produit à l'IRCAM?
Oui, d'une certaine façon. Si on parle de l'aspect électronique des œuvres, il y a beaucoup d'œuvres qui portent la marque de fabrique, on entend nettement qu'elles viennent de l'IRCAM, à cause des outils que l'IRCAM a développés et de la manière de les utiliser. Il y a une certaine uniformité, un peu étonnante peut-être. Le mode d'expression et l'attitude des différents compositeurs peuvent être très éloignés les uns des autres, mais le côté électronique offre des ressemblances étonnantes. Cela dit, il y a des compositeurs qui ont de l'expérience et un certain poids, et ils arrivent à produire des sons personnels à partir de ces outils. Ils ne sont pas nécessairement liés par le contrat tacite qui dit qu'ils faut utiliser les logiciels de l'IRCAM.
Vous avez visité plusieurs autres institutions, je pense au studio UPIC de Xenakis, qui s'appelle CCMIX maintenant, le Groupe de Recherche Musicale et les studios de Marseille et de Grenoble. Quelles qualités particulières leurs avez-vous trouvé?
C'est ce que j'ai découvert après avoir quitté Paris. Je me suis rendu compte que la France est un grand pays, un pays riche sur le plan de la musique électronique et que chaque institution a ses caractéristiques propres. Le GRM est l'héritier de la musique concrète, avec une réelle orientation vers les médias enregistrés, et ils ont développé un "Acousmonium", un orchestre de haut-parleurs ou chaque haut-parleur est considéré comme un instrument ayant sa propre couleur. Le GRM s'est particulièrement intéressé à la perception et au décodage du son. J'ai visité le studio UPIC à l'époque où Xenakis avait pris sa table à dessin comme modèle de composition sur ordinateur, on prenait un stylo électronique et on traçait des sons sur cette espèce de table. Ce qu'il y avait de particulier, c'est qu'on pouvait soi-même définir les domaines de travail, des timbres et des enveloppes, des petites courbes de maîtrise d'un parcours, des séquences à assembler, des macro-formes. Chaque étape du processus était mise en évidence, et c'était un excellent moyen de mettre un principe compositionnel unique à l'épreuve et de le réaliser à différents niveaux.
Je ne suis resté au studio de Marseille que très peu de temps, c'est un vieux studio, presque aussi vieux que l'IRCAM. Il y règne une tradition particulière et un environnement spécial, avec un groupe de compositeurs dirigé par Jean-Claude Risset. A Marseille, ils ont toujours eu une attitude plus libérale par rapport au mélange des sons enregistrés et des sons de synthèse. Et ils ont développé leurs propres outils pour la spatialisation, des outils efficaces, très faciles à utiliser. Ils ne sont pas aussi complexes que les versions de l'IRCAM, ce n'est pas non plus le but recherché, l'algorithme est plus simple, mais ça fonctionne, et ça marche très bien en concert. Ils ont un studio avec huit haut-parleurs où les compositeurs peuvent mixer dans le format voulu pour le concert. Après, il n'y a plus rien à transformer ou à transposer. C'est un luxe qu'on ne trouve pas souvent ailleurs.
Le studio de Grenoble a aussi le même âge. Ils sont spécialisés dans la synthèse du timbre, ils ont développé un principe qui concurrence celui de l'IRCAM: on est réellement au stade de la physique mécanique avec propulsion et amortissement, et on peut soi-même construire des structures ad hoc. Ça a été très important pour moi de voir et d'entendre leurs essais de modélisation de l'eau et du vent. Ça donne la possibilité d'étudier des structures qui ressemblent à la turbulence, et d'autres choses complexes, et d'en maîtriser les résultats. Je ne suis pas encore en mesure de produire de l'eau, c'est difficile, mais je peux créer le vent de manière relativement crédible.
Dans le nouveau paysage culturel français, les petits studios sont soudains devenus forts, parce que les petites unités opérationnelles peuvent former un réseau et collaborer avec d'autres institutions. Par exemple, le studio informatique de Grenoble collabore avec le Zentrum für Kunst und Medientechnologie à Karlsruhe et avec le DIEM au Danemark, ainsi qu'un institut à Turin. Si on veut faire quelque chose à l'IRCAM, c'est une énorme machinerie à mettre en route, ils n'aiment pas les projets de moindre envergure, bref, il n'y a que les projets de prestige qui sont acceptés. Les autres studios peuvent collaborer d'une tout autre façon, c'est dans leur intérêt, ils y sont même obligés s'ils veulent survivre. Ils sont obligés de laisser tomber l'attitude arrogante, ils tendent la main et s'intègrent dans une structure. Il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup de concurrence pour peu de subventions disponibles, la hiérarchie est très dure, et la répartition dépend de priorités extrêmement sévères. Ceux qui ont un nom obtiennent quelque chose, ceux qui ont la compétence aussi, il n'est pas question de distribution équitable, que chacun reçoive un peu, non, il faut vraiment se battre pour faire valoir son projet.
Quelles différences culturelles fondamentales avez-vous remarquées entre la France et le Danemark?
La différence qui m'a le plus frappé, c'est que la hiérarchie est beaucoup plus rigide en France, il y a une concurrence acharnée entre les musiciens pour obtenir des avantages et des commandes. Je viens d'un pays où le paysage culturel est plus uniforme, où c'est plus facile d'aller trouver les gens et de les convaincre de réaliser des projets ensemble. Par contre, il se peut que ce soit parfois difficile de monter des projets de grande envergure, ça demande énormément de travail. Mais beaucoup de projets moindres peuvent être réalisés assez rapidement. Cette rigidité dans la hiérarchie française, on la retrouve aussi dans le statut de demi-dieux des musiciens arrivés, pour les jeunes le chemin est très long.
L'enseignement que j'ai reçu m'a aussi paru dirigiste. Le professeur est professeur à part entière, on vous mène sur un parcours très concret, bien déterminé, et il faut suivre la même voie. Maintenant j'enseigne la musique électronique aux jeunes compositeurs au Conservatoire de Copenhague. L'un des objectifs avoués est qu'ils développent la conscience de leur propre langage et des possibilités du matériau sur lequel ils travaillent. En France, c'est plus scolaire, "il faut apprendre telle et telle chose". Ce n'est pas facile pour les Scandinaves de s'y plier, et les Français exigent aussi davantage au niveau du métier.
Que faire si on est outsider en France?
Les outsiders sont vraiment cool. Il existe beaucoup de sous-cultures, les gens vivent de rien et arrivent quand même à réaliser des projets. Par exemple, l'ensemble SIC, qu'on connaît au Danemark, a choisi à un moment un rôle d'outsider, ils ont délibérément exclu de se laisser institutionnaliser. En revanche, ils n'obtiennent jamais de subventions. J'ai rencontré beaucoup de musiciens qui prônent certaines idées ou certaines attitudes, qu'ils ont du mal à faire passer. Mais ils sont conscients que s'ils passent par les institutions, ils seront engloutis, et s'ils suivent leur propre voie, c'est très dur.
Il y a aussi une chose qui m'a beaucoup frappé. En France, c'est beaucoup mieux accepté de parler d'écoles de composition et de faire partie d'une école. C'est très différent du Danemark. Au début, ça m'étonnait, je trouvais ça incroyable que le besoin d'indépendance ne soit pas plus grand. Plus tard, j'ai compris que les compositeurs sont beaucoup plus nombreux, et il y a beaucoup d'écoles différentes. Le problème, c'est qu'on ne peut pas passer d'une école à l'autre, on reste plus ou moins fidèle à l'une d'entre elles. Ou alors on peut faire comme Xenakis, on peut refuser complètement et choisir consciemment sa propre voie, certains l'ont fait. Mais les jeunes compositeurs ne considèrent pas l'appartenance à une école comme un problème, c'est parfaitement acceptable. Il y a aussi des avantages, bien sûr, on est dans un système où on peut communiquer, et communiquer plus vite que s'il fallait à chaque fois se confronter à des gens qui disent: "mais qu'est-ce qu'il raconte?" En France il faut être clair, il n'y a pas vraiment de place pour les demi-teintes.
Enfin, il y a quelque chose de spécial chez les musiciens français: ils ont atteint un degré de perfection et une culture instrumentale dont nous pourrions beaucoup apprendre. Ils sont extrêmement précis, et quand ça marche bien, que l'enthousiasme et la précision y sont, ça peut donner d'excellents résultats. Mais il y a aussi un inconvénient: jouer avec le cœur ne fait pas partie de l'esprit français. Ils sont incroyablement enthousiastes dans leur travail, mais la profondeur et la chaleur, ce n'est pas leur idéal.
Que pensez-vous que les Français pourraient apprendre des Danois?
Dans le domaine compositionnel, je vois pas mal de possibilités, mais c'est difficile à imaginer. Je crois plutôt à une question d'attitude, un peu plus de générosité entre les ensembles, les institutions et les compositeurs. C'est une caractéristique méditerranéenne de s'en tenir à son domaine, de ne pas s'immiscer. Au Danemark, on peut très bien se rencontrer sur certains échanges même si on est en total désaccord artistique. On peut coopérer même si on vient chacun de son bord, ça se fait et c'est acceptable. Cela ferait du bien aux Français, surtout dans le contexte culturel qui est en train de changer actuellement, avec des initiatives régionales qui demandent une communion dans l'effort.
Si vous deviez concevoir un projet de collaboration franco-danois, qu'aimeriez-vous faire?
L'important, c'est de diversifier, et il faudrait faire en sorte que les jeunes et les moins jeunes soient concernés, et des ensembles aussi. Je trouve que c'est important que les musiciens français et danois jouent leurs musiques respectives, et ce n'est pas facile. Ça demande du temps, il faut créer une sorte de plate-forme, pour que les répétitions se passent bien, ce qui veut dire que les compositeurs doivent pouvoir être sur place assez longtemps à la fois, c'est rare!
Ce serait intéressant de collaborer avec Marseille, qui est une métropole méditerranéenne très peuplée et très variée. Je peux aisément m'imaginer une collaboration pluridisciplinaire. Marseille est la porte de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord, imaginez le nombre d'Arabes et ce qu'ils apportent à la ville, on trouve des musiciens extraordinaires venus des pays africains - on se demande si on est encore en France. Marseille est un creuset, un melting pot de cultures qui se rencontrent. On pourrait laisser de côté l'intellectualisme culturel et s'imaginer un projet avec de la musique ethnique, des musiques du monde. Ce serait bien de réaliser un projet artistique avec toute cette énergie et cette inspiration.
Erik Christensen travaille à la programmation de radio Danmarks.
IRCAM
Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique Fondé en 1969 par Pierre Boulez, l'IRCAM est une institution musicale associée au Centre Pompidou et dirigée depuis 1992 par Laurent Bayle. Chercher, créer et transmettre sont les pôles autour desquels se développe l'activité de l'IRCAM qui réunit en un même lieu des scientifiques et des musiciens, afin de les inciter à explorer ensemble des voies artistiques innovatrices.
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